El Comercio De La República - L'idée d'un organisme européen de lutte contre l'ingérence étrangère doit faire son chemin

Lima -
L'idée d'un organisme européen de lutte contre l'ingérence étrangère doit faire son chemin
L'idée d'un organisme européen de lutte contre l'ingérence étrangère doit faire son chemin / Photo: JOEL SAGET - AFP

L'idée d'un organisme européen de lutte contre l'ingérence étrangère doit faire son chemin

Face à "une croissance relativement exponentielle" des ingérences numériques étrangères "malveillantes", les Européens ont intérêt à agir "de manière conjointe beaucoup plus forte", souligne Marc-Antoine Brillant, le directeur de Viginum, l'organisme français de lutte contre ce phénomène qui apporte déjà son expertise aux pays européens.

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"On a beaucoup de sollicitations d'Etats membres de l'Union européenne mais aussi de pays à l'extérieur pour qu'on les accompagne, pour qu'on les conseille", dit-il dans un entretien avec l'AFP.

L'idée d'un "Viginum européen" avait été évoquée l'an passé par l'actuelle présidente de la Commission européenne Ursula Van der Leyen.

"Quand on parle de manipulation de l'information, (...) chaque pays a une perception différente de cette menace et, d'ailleurs, ne la nomme pas de la même manière", observe Marc-Antoine Brillant. "On a un intérêt, au niveau européen, à se doter d'une grammaire commune, qui permet notamment de s'entendre sur la menace que l'on souhaite traiter ensemble".

Quatre ans après sa création, Viginum peut contribuer à la réflexion : "Comment (...) interagir ensemble, partager de la connaissance sur la menace et, peut-être, (...) agir de manière conjointe, beaucoup plus forte contre les acteurs étrangers de la manipulation de l'information ?"

Car les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2022, Viginum a détecté quelque 170 cas d'ingérences numériques étrangères contre les intérêts français. "En 2023, on était autour de 230 phénomènes et, pour 2024, on approche des 300 phénomènes", explique le directeur.

"Peut-être que les agents de Viginum sont meilleurs chaque année dans la détection, c'est fortement probable, mais je crois aussi que l'activité (...) malveillante étrangère est beaucoup plus intense (...) à la faveur de conflits armés persistants", dit-il, citant "la guerre d'agression de la Russie en Ukraine, les événements au Proche et Moyen-Orient, des zones de tension d'Afrique et dans la région Indo-Pacifique".

Les acteurs "très agressifs" contre les intérêts français restent la Russie et l'Azerbaïdjan mais d'autres acteurs étrangers sont aussi à la manoeuvre, dit-il sans citer davantage de pays.

- Influence contre ingérence -

"La position singulière de la France (...) dont la parole porte à l'international en fait (...) une cible de choix", relève-t-il.

Et au Sahel, malgré le départ des militaires français, la France n'est pas moins épargnée, un "héritage" de son passé colonialiste.

Face à l'ingérence étrangère "dissimulée, cachée", face à des acteurs qui manipulent l'information "avec des moyens clandestins et illégaux", Paris assume d'opposer "l'influence" française jugée "positive", celle qui promeut ses valeurs et ses intérêts "vers des audiences étrangères".

"Le rôle d'une démocratie, c'est de mettre de la lumière sur ceux qui veulent rester tapis dans l'ombre", juge-t-il.

Pour ce faire, Viginum et ses 60 agents doivent anticiper et s'adapter sans cesse aux nouvelles formes de menaces comme "la montée en puissance du rôle des influenceurs qui, aujourd'hui, peuvent être utilisés de manière dissimulée, finalement instrumentalisée un peu contre eux-mêmes, pour diffuser des contenus de propagande, des contenus clivants" sur des thématiques de société.

Il y a "une nécessité vitale de rester à l'état de l'art", qui passe par une meilleure maîtrise de "toutes les technologies d'intelligence artificielle générative, qui, aujourd'hui, sont un usage croissant par les acteurs étrangers de la manipulation de l'information", souligne-t-il également.

Et cela passe "par une meilleure connaissance, un meilleur suivi des différents modes opératoires informationnels qui sont, aujourd'hui, prépositionnés dans notre débat public".

- Création d'une académie -

Marc-Antoine Brillant a en ligne de mire l'élection présidentielle en France de 2027, avec le risque d'une action étrangère en vue d'influer sur l'opinion.

Cette menace est d'autant plus crédible que la fragmentation de l'opinion publique, sa défiance vis-à-vis de la classe politique et des médias traditionnels créent "un terrain propice aux manipulations de l'information et aux tentatives de déstabilisation".

Pour mieux sensibiliser le public, "on porte (...) l'ambition de créer, en début d'année prochaine, une académie de la lutte contre les manipulations de l'information" au sein de Viginum.

Celle-ci proposera notamment "une offre de formation au profit d'un grand nombre d'acteurs qui nous demandent aujourd'hui des choses assez simples sur des techniques de recherche en source ouverte, pour (...) détecter par eux-mêmes demain des manipulations de l'information".

"Cette lutte, c'est l'affaire de tous", dit-il. Et pour qu'on soit tous acteurs, Viginum a un rôle de transmettre sa connaissance, de transmettre son savoir. Ce sera l'objet de cette académie".

G.Guzmán--ECdLR