

Coup de théâtre, Lecornu renonce au 49.3 pour tenter de convaincre les oppositions de ne pas censurer
Sébastien Lecornu a annoncé vendredi, avant de recevoir le RN et le PS, renoncer à l'article 49.3 de la Constitution, assurant qu'il n'y a dès lors plus "aucun prétexte" pour censurer le gouvernement avant le début des débats parlementaires sur le budget.
"Renoncer à l'article 49.3" qui permet au gouvernement de faire adopter des textes sans vote, "ne doit pas nous faire renoncer à ce que la France ait un budget au 31 décembre", a affirmé le Premier ministre lors d'une prise de parole sur le perron de Matignon.
"Dès lors que le gouvernement ne peut plus être en situation d'interrompre les débats, il n'y a donc plus aucun prétexte pour que ces débats (parlementaires) ne démarrent pas la semaine prochaine", a-t-il lancé à l'adresse des oppositions.
Il a précisé qu'il prononcerait bien un discours de politique générale dans les prochains jours, après avoir formé son gouvernement. "Il faut que chaque député puisse avoir du pouvoir, puisse avoir de la responsabilité, puisse prendre ses responsabilités", a-t-il martelé.
Le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud n'a pas semblé juger le renoncement au 49.3 suffisant, insistant sur franceinfo sur le fait que le gouvernement disposait d'autres outils constitutionnels pour "caporaliser" le Parlement et regrettant que Sébastien Lecornu ne propose "aucun" compromis.
Si le nouveau locataire de Matignon ne parvient pas à dissuader le PS d'une censure, promise déjà par tous les autres partis de gauche, son sort se retrouverait entre les mains de l'extrême droite. Le RN détient le plus gros groupe à l'Assemblée nationale, où Sébastien Lecornu, comme ses prédécesseurs, reste privé de majorité.
Jeudi, les responsables socialistes ont battu le pavé avec les syndicats pour tenter de peser sur le budget, en réclamant une nouvelle fois davantage de "justice sociale". Les défilés ont été plus clairsemés que ceux du 18 septembre.
- "En deçà" -
Pendant cette journée de mobilisation, Sébastien Lecornu a suggéré de nouvelles mesures en faveur des salariés (défiscalisation et allègement des charges sociales sur les heures supplémentaires, rétablissement de certaines dispositions de la prime Macron...).
Dans un courrier aux syndicats rendu public mercredi, il a aussi promis de reprendre une disposition pour les femmes issue du conclave sur les retraites.
Mais il a écarté leurs principales revendications: la taxe Zucman sur les hauts patrimoines, le rétablissement de l'Impôt sur la fortune (ISF) ou la suspension de la réforme des retraites.
"C'est très en deçà de ce que nous attendons", a réagi jeudi le patron du PS Olivier Faure, qui souhaite encore "donner sa chance" au Premier ministre vendredi.
Echaudés par l'échec du conclave sur les retraites, après que son lancement avait permis à l'ex-Premier ministre François Bayrou d'obtenir la neutralité du PS, les socialistes attendent un "changement majeur d'orientation" du futur gouvernement.
Sébastien Lecornu ne veut pas non plus perdre la droite dans sa fragile coalition gouvernementale.
- "Dégagisme" -
Il a reçu jeudi le patron des Républicains et ministre démissionnaire de l'Intérieur Bruno Retailleau, juste après la FNSEA, premier syndicat agricole.
"A ce stade, la participation de la droite au gouvernement n'est pas acquise du tout", a prévenu le président de LR juste après ce rendez-vous.
Si le compromis n'est pas possible avec les socialistes, le Premier ministre se tournera-t-il vers le RN comme Michel Barnier à la fin de l'année dernière ?
"C'est un parti populiste qui veut le désordre", estime un ancien ministre macroniste qui ne croit pas à l'indulgence du RN.
A l'Elysée, on considère que le RN se range désormais comme LFI du côté du "dégagisme" et qu'il est hors de question de rechercher des accords avec lui, selon un proche du président.
Le parti d'extrême droite reste flou sur ses intentions, indiquant qu'il ne prendra position qu'après la déclaration de politique générale que Sébastien Lecornu.
Le député du RN Jean-Philippe Tanguy a soufflé le chaud et le froid, affirmant que son parti ne censurerait pas le gouvernement s'il y a dans son budget des baisses d'impôts et de dépenses.
G.Reyes--ECdLR