

Sur un navire-école en Méditerranée, le pape encourage à bâtir des ponts
Bras dessus, bras dessous, des jeunes de différentes confessions dansent le dabké oriental dans le port italien d'Ostie après une visite du pape Léon XIV. Derrière eux, le "Bel Espoir", navire-école sur lequel ils sillonnent la Méditerranée pour promouvoir la paix.
"Je ne m'attendais pas à sa présence, mais pour moi, c'est particulièrement important que le pape croie en ce projet et qu'il vienne nous rencontrer", confie à l'AFP Jésus Marro, un Espagnol de trente ans. "Cela signifie qu'il croit à la nécessité de construire des ponts."
De Barcelone à Istanbul en passant par Chypre, l'Albanie ou Athènes, cette goélette construite en 1944 et récemment restaurée a accueilli depuis mars quelque 200 jeunes de 19 à 35 ans, de différentes cultures et religions.
Originaires des cinq rives de la Méditerranée (Afrique du Nord, Proche-Orient, Mer Noire et Mer Egée, Balkans, Europe), engagés dans la vie civile ou associative dans leurs pays, tous voient dans cette traversée une opportunité de promouvoir le dialogue face à la montée "inquiétante" des polarisations et des conflits.
Vendredi après-midi, le pape américain a voulu les encourager à l'écoute dans "un monde qui tend de plus en plus vers la violence, la haine, la séparation", en se rendant à bord du trois-mâts amarré dans le port d'Ostie, près de Rome, escale de la huitième et dernière étape reliant Naples à Marseille.
Accueilli par des chants de la trentaine de jeunes, le chef de l'Eglise catholique a visité le voilier jusqu'aux cabines et partagé des viennoiseries dans l'espace exigu de la salle à manger, dans une ambiance chaleureuse.
"Le monde d'aujourd'hui, plus que de mots, a besoin de signes, de témoignages qui donnent de l'espoir", a-t-il déclaré lors d'un discours improvisé en anglais sur le pont principal, sous les cordages éclairés par la lumière rasante d'une fin d'après-midi automnale.
- "Émouvant" -
A bord, les jeunes - originaires d'Algérie, de Libye, d'Égypte, de Bosnie, de France - musulmans, orthodoxes, catholiques ou sans religion, partagent la vie quotidienne en participant aux diverses tâches - cuisine, nettoyage, quarts de nuit. La proximité donne à beaucoup le sentiment de découvrir une "famille".
Pour Christina Hilana, une Palestinienne de 27 ans originaire d'un village près de Ramallah, en Cisjordanie, l'expérience est "très émouvante". Elle a offert au pape une pochette tissée de Jérusalem et un porte-clef réalisé par le poète palestinien Mahmoud Darwich.
"Ces deux années ont été très douloureuses, et quitter mon pays dans cette situation n'a pas été facile du tout", concède la jeune femme aux cheveux de jais bouclés, keffieh noir et blanc et croix en or autour du cou.
En tant que responsable de l'association chrétienne de sa commune, elle espère partager son expérience à son retour. "Ils veulent vraiment savoir comment est la vie là-bas, surtout pour les jeunes, en ces temps difficiles, où l'espoir finit par se perdre", explique-t-elle.
Fatima Al-Wardi, une musulmane irakienne de trente ans, n'avait jamais vu la mer avant d'être sélectionnée pour ce projet. "Je n'étais pas prête, j'ai peur de l'eau, je ne sais pas nager, mais la vie est courte et quand on a une chance, il faut la saisir", dit-elle.
"L'Irak a connu l'armée américaine, puis la guerre civile entre sunnites et chiites, et puis il y a Daech. On a traversé de nombreux conflits incessants, mais on a toujours besoin de paix parce qu'on croit en l'humanité", dit cette chargée de projet humanitaire à Bagdad.
- "Ecole de paix" -
Chaque jour, les jeunes "essaient d'explorer ensemble et de croiser leurs regards" sur des thèmes aussi variés que les défis écologiques, économiques, environnementaux, la place des femmes, le dialogue des cultures ou l'éducation", explique le père Alexis Leproux, co-organisateur du projet.
Il s'agit de "construire une culture de la rencontre comme alternative à la culture du conflit et de la rivalité, et cela s'apprend", dit-il. Dans une Méditerranée "très abîmée par des années de guerre", ils ont voulu "poursuivre cette école de paix et prendre le risque de traverser cette mer au milieu des bateaux militaires, au milieu des conflits."
A terre, les participants poursuivent leur expérience dans les villes escales - colloques, ateliers, festivals, œuvres caritatives - , dans le cadre de l'édition 2025 des "Rencontres méditerranéennes" de l'Eglise catholique.
"Il y a une phrase du Coran qui est très importante pour moi, où Dieu dit : "Sortez, explorez les gens. Je vous ai tous créés pour que vous appreniez à vous connaître (...) Il suffit de ne pas rester dans sa zone de confort", conclut Fatima Al-Wardi.
V.Espinoza--ECdLR