Le prix Goncourt attribué à Laurent Mauvignier pour "La maison vide"
Laurent Mauvignier a obtenu mardi le prix Goncourt pour "La maison vide" (Minuit), une vaste fresque familiale de 750 pages présentée comme un roman "fondamental" par le jury du plus prestigieux prix littéraire français.
"Je ressens de la joie", c'est "une récompense énorme parce que c'est un livre qui vient de l'enfance et de plusieurs générations", a réagi l'auteur de 58 ans à son arrivée à Drouant, célèbre restaurant proche de l'Opéra à Paris, où l'attendaient les 10 jurés de l'Académie Goncourt.
Sacré dès le premier tour avec six voix, Laurent Mauvignier a devancé la Belge Caroline Lamarche, qui en a obtenu quatre pour "Le bel obscur" (Seuil), et distancé les deux autres romanciers en lice dans la sélection finale, Emmanuel Carrère avec "Kolkhoze" (P.O.L) et Nathacha Appanah avec "La nuit au coeur" (Gallimard).
"On est dans le salut à un auteur qui a une œuvre déjà très importante derrière lui et qui, cette année, nous a livré non pas une somme, mais un roman quand même fondamental", a commenté devant la presse Philippe Claudel, le président de l'Académie Goncourt. Il arborait comme les autres membres du jury un badge de soutien à l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné en Algérie.
En 2024, le prix avait été attribué à "Houris" (Gallimard), du Franco-Algérien Kamel Daoud.
- "Zones d'ombre" -
Laurent Mauvignier, 58 ans, est né en Touraine dans une famille ouvrière. Après avoir fait les Beaux-Arts à Tours, il se dirige vers la littérature. Parmi ses ouvrages remarqués, figurent "Loin d’eux", son premier roman en 1999, "Des hommes" sur les souvenirs de la guerre d’Algérie, et "Histoires de la nuit".
"La maison vide" est un récit de 750 pages, aux phrases amples, qui raconte les générations se succédant depuis le début du XXe siècle dans une bâtisse de La Bassée, un village imaginaire de Touraine qui ressemble à la petite ville de Descartes où l'auteur a grandi.
"Je crois que mon histoire familiale ressemble à celle de millions de Français, avec ses zones d'ombre et ses parts plus glorieuses", avait expliqué à l’AFP Laurent Mauvignier. "Au bout de deux, trois générations les souvenirs se perdent. Et une fois que ce fil est coupé, c'est terminé totalement".
Les femmes jouent une place centrale dans le récit car ce sont "elles qui tiennent la baraque, comme c’était souvent le cas à la campagne et en temps de guerre".
L'auteur s'attarde particulièrement sur Marie-Ernestine qui, jeune fille, a un don pour le piano et s'éprend de son professeur. Mais son père la contraint à épouser Jules, employé de la scierie familiale, et à abandonner ses rêves de monter à Paris pour devenir musicienne.
De cette union, naît en 1913 Marguerite, la grand-mère du romancier, avant la mort de Jules dans les tranchées de la Première guerre mondiale.
Laurent Mauvignier tente de comprendre pourquoi "une forteresse de silence" a entouré Marguerite, dont le visage a été découpé ou rayé sur les photos. Il découvre qu’elle a connu le déshonneur durant l’Occupation en frayant avec des soldats allemands.
"La maison vide" fait partie des romans les plus vendus depuis le début de la rentrée littéraire, à la satisfaction de sa maison d'édition liée à Madrigall, le groupe de Gallimard.
Grâce au bandeau rouge "Prix Goncourt" apposé sur la couverture, les ventes de "La maison vide" devraient être démultipliées, comme en ont bénéficié les récents lauréats, qui ont parfois dépassé les 500.000 exemplaires écoulés. Une aubaine dans un climat morose pour l'édition, avec un recul des ventes de 5,7% en volume en septembre par rapport au même mois de 2024, selon les chiffres de Livres Hebdo.
Décerné en même temps que le Goncourt, le prix Renaudot a été attribué à Adélaïde de Clermont-Tonnerre ("Je voulais vivre").
Le prix Renaudot essai a récompensé Alfred de Montesquiou pour "Le crépuscule des hommes" (Robert Laffont).
M.Ramos--ECdLR