El Comercio De La República - Bolloré, Stérin, Pigasse... Dans l'arène politique, ces hommes d'affaires se cachent de moins en moins

Lima -
Bolloré, Stérin, Pigasse... Dans l'arène politique, ces hommes d'affaires se cachent de moins en moins
Bolloré, Stérin, Pigasse... Dans l'arène politique, ces hommes d'affaires se cachent de moins en moins / Photo: Thomas SAMSON - AFP/Archives

Bolloré, Stérin, Pigasse... Dans l'arène politique, ces hommes d'affaires se cachent de moins en moins

Les milliardaires sortent du bois: à droite comme à gauche, une poignée de riches hommes d'affaires investissent la sphère politique et médiatique pour pousser leurs idées, avançant à visage de plus en plus découvert avec des méthodes différentes.

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Bâtir la "résistance des forces de droite", mener la "bataille culturelle" pour aboutir à la "victoire politique de la gauche"... Ces slogans n'émanent pas de dirigeants politiques, mais de deux riches investisseurs, respectivement le milliardaire Pierre-Edouard Stérin et le banquier d'affaires Matthieu Pigasse.

Catholique conservateur exilé en Belgique, Pierre-Edouard Stérin reste un personnage discret dans les médias. Mais celui que les coffrets cadeaux Smartbox ont rendu milliardaire perturbe le paysage politique depuis que son projet Périclès, acronyme de "Patriotes enracinés résistants identitaires chrétiens libéraux européens souverainistes", a été rendu public en 2024 par L'Humanité et le JDD.

Son objectif, "promouvoir" des "valeurs libérales et conservatrices" dans le champ politique au sens large, a assumé en mai devant une commission parlementaire le directeur de Périclès, Arnaud Rérolle, associé de M. Stérin qui avait, lui, refusé la convocation des députés.

L'investissement se chiffre en millions d'euros: huit en 2024 et une vingtaine prévus pour 2025 pour financer diverses associations, entreprises ou think tanks, selon M. Rérolle.

Parmi ces structures, l'Observatoire de l'immigration et de la démographie, dont la méthodologie a été régulièrement mise en doute par des économistes et spécialistes, ou encore le média conservateur L'Incorrect, à l'origine de la diffusion d'une vidéo ayant valu aux journalistes Thomas Legrand et Patrick Cohen des accusations de connivence avec le Parti socialiste.

- "Faire contrepoids" -

Cette affaire cristallise justement l'attention des médias d'un autre milliardaire, Vincent Bolloré.

Régulièrement accusés par la gauche de promouvoir des idées d'extrême droite -ce qu'ils contestent-, CNews, Europe 1 ou encore le Journal du dimanche (JDD) sont entrés en guerre ouverte contre le service public ces derniers jours, accordant une large place à ce dossier dans leurs éditions.

Le milliardaire conservateur, qui s'est toujours défendu de mener tout "projet idéologique", est-il en train de franchir un cap dans son incursion politico-médiatique ?

Ces derniers jours, des liens ont été établis entre son empire médiatique et la très large diffusion d'une pétition lancée par l'ancien eurodéputé souverainiste Philippe de Villiers appelant à l'organisation d'un référendum sur l'immigration, proposition phare de la droite et de l'extrême droite.

De l'autre côté de l'échiquier politique, l'ancien dirigeant de la banque Lazard, Matthieu Pigasse, 57 ans, a lui aussi investi l'espace médiatique ces dernières semaines, en affirmant son soutien aux mesures de justice fiscale prônées par la gauche.

L'homme d'affaire à la tête du groupe Combat, propriétaire de Radio Nova, du magazine Les Inrockuptibles, de festivals de musique, multiplie les messages sur X et les apparitions dans les médias.

Son défi: mener la "bataille culturelle" pour "faire contrepoids" aux groupes "poussés par des milliardaires de droite ou d'extrême droite".

Et cela passe par des échanges de moins en moins secrets avec les dirigeants politiques.

Interrogé, un cadre du PS affirme que M. Pigasse entretient des relations "amicales" avec le premier secrétaire Olivier Faure. "On pourrait le faire rentrer dans un dispositif politique", ajoute le même, mais "il n'y a rien d'opérationnel pour l'instant".

Idem dans la sphère Stérin, où le bras droit de l'entrepreneur, François Durvye -annoncé sur le départ par plusieurs médias-, a contribué au livret économique du Rassemblement national.

Il "serait un excellent député s'il était investi", reconnaît un proche de Marine Le Pen. Un autre cadre RN tempère néanmoins: "L'influence de Stérin est complètement surestimée."

- "Raidissement" -

Bolloré, Stérin, Pigasse... Vont-ils encourager les autres ultrariches, traditionnellement plus réservés, à changer de braquet dans la guerre de l'influence ?

Bernard Arnault, patron de LVMH déjà propriétaire du groupe Les Echos-Le Parisien et de l'Opinion, est en passe de racheter le magazine Challenges et s'est distingué ces derniers jours pour sa virulente charge contre la taxe Zucman sur les hauts patrimoines.

Quant à Rodolphe Saadé, patron de CMA CGM, il vient d'acquérir le média Brut, en plus d'Altice Médias (BFMTV, RMC).

"Le paysage est en train de changer", estime Michel Offerlé, professeur émérite de sociologie politique à l'ENS. "Mais s'il existe une frange radicalisée de chefs d'entreprise, on n'en est pas à imaginer certains grands patrons français entrer en politique", tempère ce spécialiste du patronat, tout en observant un certain "raidissement du Medef", qui vient d'annoncer un grand meeting patronal le 13 octobre.

C.López--ECdLR