

Taïwan: le chef de l'agence spatiale appelle à accélérer le programme satellitaire
Le chef de l'agence spatiale taïwanaise Wu Jong-shinn estime que l'île doit lancer au plus vite des satellites de télécommunications afin de garantir son accès à internet en cas de conflit avec la Chine, jugeant lors d'un entretien avec l'AFP que "l'heure tourne".
Taïwan a besoin de 150 satellites en orbite terrestre basse (LEO) pour maintenir ses communications si les câbles sous-marins qui relient actuellement l'île au reste du monde venaient à être endommagés, estime-t-il.
Or l'entité n'en possède aucun, à l'heure où elle vit sous la menace d'une invasion par Pékin, qui a renforcé ces dernières années sa pression militaire autour de ce territoire qu'elle revendique.
En février 2023, deux lignes de télécommunication desservant les îles Matsu ont été coupées, perturbant les communications pendant plusieurs semaines.
Taïwan prévoit de mettre sur orbite le premier d'un groupe de six satellites à 600 km d'altitude en 2027... l'année, selon plusieurs responsables américains, d'une possible invasion par les forces chinoises.
Afin d'accélérer le processus, M. Wu, juge indispensable de multiplier les contrats avec des partenaires étrangers.
"Nous devons développer notre propre technologie. Mais vous savez... l'heure tourne. Nous devons nous dépêcher", souligne-t-il.
L'opérateur mobile taïwanais Chunghwa Telecom a déjà noué des accords en ce sens.
Incontournable dans cette industrie, l'américain Starlink dispose de 8.000 satellites en orbite. Mais les intérêts financiers liés à la Chine de son cofondateur, le milliardaire Elon Musk, et ses déclarations polémiques sur Taïwan - qui devrait selon lui être administré par la Chine - ont suscité la colère de l'île.
Chunghwa Telecom lui a donc préféré Eutelsat avec un contrat de plusieurs millions de dollars conclu en 2023. Deuxième plus grand opérateur mondial de satellites en orbite basse, le groupe européen en exploite plus de 600 depuis sa fusion avec le britannique OneWeb en 2023.
Taipei a également noué un partenariat avec l'américain Astranis ainsi qu'avec le luxembourgeois SES, et négocie avec Kuiper (Amazon) et le canadien Telesat.
- Dangers -
Taïwan reste à des années-lumières des programmes spatiaux des Etats-Unis, de la Chine ou encore de la Russie.
Actuellement, le territoire - par ailleurs leader mondial des semiconducteurs - ne dispose que de sept satellites météorologiques et d'un autre de télédétection optique.
Mais M. Wu espère que Taïwan disposera de ses propres fusées ainsi que d'un site de lancement dans les années 2030 et pourra multiplier les lancements.
Certains experts doutent toutefois de la pertinence économique pour le territoire de lancer son propre système de satellites de communication, face à l'immensité du défi.
"Si l'on veut que ça marche, on a besoin d'un grand nombre (de satellites) en orbite basse pour avoir la couverture continue" recherchée, indique à l'AFP l'astrophysicien Brad Tucker de l'Université nationale australienne.
Une telle politique nécessite aussi un engagement de chaque instant, ajoute-t-il, relevant que "Starlink fonctionne parce qu'il désorbite ses satellites tous les trois ans" pour les renouveler.
Mais pour l'experte taïwanaise Cathy Fang, il serait "dangereux" en cas de conflit pour le territoire de ne se fier qu'aux opérateurs de satellites étrangers, qu'il ne peut contrôler.
En 2022, Elon Musk avait ainsi affirmé avoir empêché une attaque ukrainienne contre une base de la marine russe en refusant une demande de Kiev d'activer l'accès à internet via Starlink.
Pour Mme Fang, analyste à l'Institut de recherche pour la démocratie, la société et les technologies émergentes (DSET), soutenu par le gouvernement, il n'y a pas à hésiter. "Nous devons développer notre industrie", souligne-t-elle.
C.López--ECdLR